AMIRAL GILLES

AMIRAL GILLES

FRANCE

 

Si un commis voyageur du Limousin (région de France) me dis : tchin tchin, en levant son verre, je lui demande gentiment : plait-il ? Et si, ayant pris congé d'un garagiste Picard (habitant de la Picardie région de France), je l'entends me crier : bye bye ! Je reviens sur mes pas m'informer gentiment du sens de cette locution et montrer l'intérêt que je porte au patois de cette région. Quand deux hommes qui naguère se disaient bonjour en se pinçant l'oreille, aujourd'hui se serrent la main comme tout le monde, voilà une bonne étape de franchie, le progrès va son train, l'humanité est en marche vers ses mornes lendemains.

        Quand même, croyons plutôt l'étranger quand il vous assure qu'elle n'est pas tout à fait morte, cependant que l'observateur de mauvaise foi va la chercher en ricanant dans les rames du métro aux heures d'affluence.

     Quand même, croyons plutôt l'étranger quand il vous assure qu'elle n'est pas tout à fait morte, cependant que l'observateur de mauvaise foi va la chercher en ricanant dans les rames du métro aux heures d'affluence.
        C'est justement dans le métro, en dépit du caractère anonyme et uniformément barbare des cohues, qu'on peut noter un trait particulièrement original de l'usage français. Le métro de Paris est le seul au monde à vous donner en si gracieux spectacle autant d'amoureux merveilleusement seuls dans la foule et préoccupés de leurs effusions avec aussi fière ignorance du public, lequel, au demeurant, s'en attendrit quelque fois et, plus généralement, s'en fiche. Un baiser qui a pris un bon départ à la Porte de la Chapelle fera aisément longue et radieuse carrière jusqu'à Vaugirard.
        Ce qui fait l'agrément et la difficulté du savoir vivre en France c'est qu'il n'est pas codifiable et que pour une même affaire, on imaginer trente-six façons de s'en tirer avec honnêteté. Certes il y a des bornes. Arrivez deux heures en retard à un rendez-vous, sonnez une heure trop tôt chez la maitresse de maison qui vous reçoit en peignoir et en madras, entrez à quatre pattes dans une soirée mondaine, embrassez la mariée que vous connaissez à peine avec une barbe de huit jours, tout se passera très bien si vous avez de la gentillesse avec un peu d'esprit. Il faut noter que la coutume d'embrasser est encore fréquente chez les hommes et que le baiser familial ou de bonne amitié et de rigueur dans maintes circonstances. La poignée de main reste encore bien souvent un témoignage d'affection par trop rudimentaire. La tradition exige souvent trois baisers et s'il arrive au chef de gare de siffler entre le deuxième et le troisième, ce n'est pas une raison pour frustrer une joue en plus. On peut se procurer des manuels de savoir- vivre. Ces ouvrages sont toujours d'une lecture distrayante et qu'il entre un peu de magie dans le savoir-vivre. Les maitres-mots ne sont pas très compliqués, il s'agit de les dire au bon moment et avec les gestes qu'il faut.
        A propos des gestes il parait que les français en font beaucoup. Faire des gestes n'est pas gesticuler. Je signale en passant, et à titre d'exemple, que frotter le pouce contre l'index pour désigner l'argent, faire sauter l'ongle sur les incisives supérieures pour exprimer le néant d'une chose, se caresser vivement le sternum pour traduire l'excellence d'un plat sont des mimiques et dont il ne faut user en bonne compagnie qu'avec beaucoup de modération, sous peine de passer pour un homme vulgaire et démodé.

        Le bruit en mangeant et en buvant est encore un problème à ne pas résoudre par une condamnation massive. Laper sa soupe est d'un goujat parce que, tout de même, la soupe mérite rarement l'hommage qu'on rend au pommard (vin de bourgogne). Vous n'allez pas , bien sûr du hors d'ouvre au dessert, faire entendre à chaque lampée un clapotis tumultueux de bruits de ventouses et de siphons. Quand on se réclame de la vigne et du fromage, pas d'histoires : on clape son vin et on sauce son pain; toutes choses d'ailleurs qu'il n'est pas interdit de faire avec élégance et esprit. C'est comme les os. Prouvez d'abord que vous savez vous servir habilement d'un couteau et d'une fourchette, puis poser votre couvert et prenez le manche d'une côtelette avec les doigts.;    

      Et Montaigne par exemple qui n'était pas un butor : « Je mords parfois mes doigts de hâtivité ».